Présidentielle 2022 : le regard d’une portraitiste de la Ve république
Catherine NAY
En pleine période d’élection française, l’Institut Aspen France a convié Catherine Nay à venir nous tirer le portrait de cette élection suite à la parution de son bouquin “Tu le sais bien, le temps passe : souvenir souvenir”.
Catherine Alix Françoise Nay entame des études de droit qu’elle abandonne pour devenir journaliste. En 1968, elle intègre le service politique de L’Express ou Jean-Jacques Servan-Schreiber lui confie la tâche de suivre la droite. Elle rejoint en 1975 Europe1 où elle effectue une grande partie de sa carrière comme éditorialiste. Elle y devient, en 2005, conseillère auprès du président (Jean-Pierre Elkabbach à l’époque). À partir de 2008 la journaliste prend part à de nombreuses émissions comme «Le Grand Journal» de Canal + et «Le Débat des grandes voix» d’Europe1. En 2018, à l’occasion de la commémoration de mai 1958 et de mai 1968, France 3 diffuse le premier documentaire réalisé par Catherine Nay : «De Gaulle et Pompidou, jusqu’à la rupture ». Son premier ouvrage est «La Double Méprise»(1980), qui traite des relations difficiles entre Valery Giscard D’Estaing et Jacques Chirac. Le deuxième,«Le Rouge et le Noir»(1984), se concentre sur une biographie consacrée à François Mitterrand. Nicolas Sarkozy fait l’objet de deux ouvrages, une biographie publiée en 2007 et intitulée «Un Pouvoir nommé désir», suivie d’une chronique de son quinquennat présidentiel : «L’Impétueux» (2012).Catherine Nay publie le premier tome de ses mémoires,« Souvenirs, souvenirs…», en novembre 2019. Le deuxième tome, «Tu le sais bien, le temps passe», est publié en 2021
Des présidents de plus en plus médiatiques
Dans sa lecture de la vie politique de la Ve République, Catherine Nay met en avant l’importante influence de la vie privée des Présidents dans leur gestion de l’État. L’étude des relations et environnements interpersonnels entretenus par les chefs d’État français, de leurs traits d’humeur et caractère, explique pour beaucoup leurs alliances, décisions et prises de position politique. Une rupture majeure entre les présidences Sarkozy et Hollande est l’accessibilité des journalistes à l’Élysée. Sous Sarkozy, tout un organigramme permettait aux journalistes de se rapprocher du pouvoir. Sous Hollande, dans une volonté manifeste de prendre le contrepied de son prédécesseur, le Président a rompu avec cette aisance relationnelle entre le cœur du pouvoir exécutif et les médias.
Emmanuel Macron, un président en rupture
Cette coupure s’est accentuée sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Il est l’incarnation unique de la politique à l’Élysée. Le dépassement de l’ancien clivage gauche-droite a permis à Macron, en 2017, de poser les bases de son pouvoir « jupitérien ». Initialement sans frondeur, il a pu s’ériger comme alternative forte aux partis traditionnels, et a revendiqué l’arrivée à des postes ministériels de personnes a priori dépolitisées. Cependant, la crise des gilets jaunes a montré que la concentration du pouvoir, associée au manque d’expérience des ministres macronistes, a déconnecté l’Élsyée de la population. Les figures du député et du préfet représentaient auparavant le pouvoir au niveau local et le relai possible aux permanences populaires et négociations sociales. La dissociation législatif-exécutif, plus forte sous Macron, a poussé les manifestations à monter sur Paris pour « tuer le roi ». C’est en voulant pallier ce problème qu’Emmanuel Macron a supprimé l’ENA et dissout le corps diplomatique français. Macron espère ainsi préserver son statut en tuant « la représentation institutionnelle du roi ». Macron est un président qui apprend en marchant.