19/05/2025 | Belles Feuilles 2025

Écrire sur le père

Frédéric Beigbeder, Jean-Christophe Bas et Rachid Benzine

Le 19 mai, l’Institut Aspen France, en partenariat avec le groupe Henner, a eu le plaisir d’accueillir Frédéric Beigbeder, Jean-Christophe Bas et Rachid Benzine pour une rencontre littéraire exceptionnelle autour de la figure du père. Trois auteurs, trois récits personnels et sensibles : Un homme seul (Frédéric Beigbeder), La Semaine où j’ai enterré mon père(Jean-Christophe Bas) et Les Silences des pères (Rachid Benzine). Une séance particulière, modérée par Philippe Manière, marquée par la richesse des échanges et la diversité des regards. Devant une audience attentive, les intervenants ont partagé leurs réflexions intimes et profondes sur la paternité : entre considérations affectives, héritages familiaux et mémoire personnelle, un débat aussi touchant que stimulant.

 

Frédéric Beigbeder – Écrivain et critique littéraire français

Né le 21 septembre 1965 à Neuilly-sur-Seine, Frédéric Beigbeder est diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d’un DESS de marketing à l’Université Paris-Dauphine.  Il s’est fait connaître dans les années 1990 comme chroniqueur littéraire et publicitaire, avant de publier en 2000, 99 francs, un roman satirique sur le monde de la publicité qui connaît un grand succès. Cet ouvrage marque un tournant dans sa carrière d’écrivain. Le livre, adapté au cinéma en 2007, impose son style mêlant provocation, lucidité et humour désabusé.  Éditeur, critique et animateur, il a fondé en 2013 la revue Snob et dirigé plusieurs collections littéraires. Il a également animé des émissions culturelles à la télévision et sur Radio Nova, où il a contribué à faire entendre une voix singulière dans le paysage médiatique français.  Lauréat du prix Interallié pour Windows on the World (2003) et du prix Renaudot pour Un roman français (2009), il a publié de nombreux romans, souvent marqués par une réflexion sur le temps, l’amour et la société contemporaine, dont L’amour dure trois ans (1997), Oona et Salinger (2014),  Une vie sans fin (2018), et Un homme seul (2025).

Rachid Benzine – Islamologue, politologue, et enseignant

Né le 5 janvier 1971 à Kénitra au Maroc, Rachid Benzine est titulaire d’une maîtrise en économie de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et d’un diplôme d’études approfondies en sciences politiques de l’université Paris-Descartes.   Rachid Benzine s’est d’abord fait connaître dans les années 1990 en lançant avec le père Christian Delorme un dialogue islamo-chrétien dans les Minguettes donnant naissance à l’ouvrage Nous avons tant de choses à nous dire. Il a ensuite codirigé la collection « Islam des Lumières » aux éditions Albin Michel et publié Les Nouveaux Penseurs de l’islam en 2004, qui présente une lecture renouvelée et contextualisée du Coran.  Il siège depuis 2019 au conseil scientifique de la DILCRAH et a été nommé en mai 2025 membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Il a également été membre, en 2019, de la Commission spéciale sur le modèle de développement du Maroc.   Dramaturge et romancier, il a adapté au théâtre son roman Lettres à Nour et a mis en scène Pour en finir avec la question musulmane en 2018. Il est l’auteur de plusieurs essais et romans, dont Ainsi parlait ma mère (2020), Dans les yeux du ciel (2020), Voyage au bout de l’enfance (2022) et Les silences des pères (2023).

Jean-Christophe Bas – Fondateur et CEO de The Global Compass et Vice-Président de l’Institut Aspen France

Jean-Christophe Bas est le fondateur et CEO de The Global Compass, une organisation de conseil spécialisée dans le développement stratégique international et les partenariats.  De 2014 à 2015, il a occupé le poste de directeur de la Citoyenneté démocratique et de la Participation au Conseil de l’Europe, où il dirigeait une équipe de 160 personnes chargée de promouvoir les compétences démocratiques, la participation et la citoyenneté. Entre 2008 et 2014, il a été directeur adjoint du développement stratégique et des partenariats à l’Alliance des civilisations des Nations Unies à New York. À ce poste, il a conçu et mis en œuvre des solutions innovantes de partenariats public-privé pour promouvoir la compréhension interculturelle, notamment l’IIA avec le groupe BMW et une campagne mondiale sur la diversité et l’inclusion en partenariat avec les principales entreprises technologiques de la Silicon Valley et 150 organisations dans le monde.  De 1999 à 2008, il a été responsable du Dialogue sur les politiques de développement à la Banque mondiale, où il a fondé le Réseau parlementaire sur la Banque mondiale et le FMI, une organisation internationale regroupant plus de 1 000 parlementaires engagés dans le développement international et la bonne gouvernance. Il a été le premier directeur exécutif de l’Institut Aspen France (1994–1999), présidé par l’ancien Premier ministre français Raymond Barre.

Perdre son père : entre rupture et filiation

 

 

Dans “Un homme seul », Frédéric Beigbeder revient sur la disparition de son père comme un événement fondateur, un moment de bouleversement intérieur : « perdre son père, c’est devenir une grande personne tout en redevenant un petit garçon ». À travers ce récit à la fois mélancolique et lucide, il dresse un autoportrait en filigrane, évoquant une enfance marquée par la distance, une génération de l’après-guerre façonnée par la pudeur, la rigueur, et parfois l’absence émotionnelle. Ce livre n’est pas un règlement de comptes, mais une tentative d’éclairer, sans accuser. Il confie : « Je n’ai jamais passé autant de temps avec mon père qu’après sa mort », et admet, en creux, que l’écriture lui a peut-être permis d’accomplir, à sa manière, le rêve que son père n’a jamais exprimé.

Le silence hérité : mémoire, transmission et invisibilité

Dans “Les Silences des pères”, Rachid Benzine donne voix à ceux qui ne sont pas entendus : les pères issus de l’immigration, « les invisibilisés ». Son père appartient à la première génération d’immigrés ouvriers, marquée par le silence comme forme de dignité, mais aussi de douleur. Ce silence, selon lui, relève d’un héritage masculin, d’une forme de parole inachevée. Le livre pose la question du temps, de la mémoire, et de la reconstruction intime. « Savoir regarder son passé en face » devient une nécessité. Pour Rachid Benzine, le silence est une parole en soi, face à une époque saturée de discours : « faute d’histoire, on se raconte des histoires, et on finit par faire des histoires ». La figure du père devient ici un miroir de la société française, entre héritage, rupture et quête de reconnaissance.

Héritages communs : regrets, transmission et engagement

 

 

Dans “La semaine où j’ai enterré mon père”, Jean-Christophe Bas évoque la difficulté de construire un lien père-fils, malgré l’affection. « Nous parlions de tout, sauf de nous », écrit-il, soulignant un manque de dialogue récurrent dans les trois récits. À la mort du père, surgit un « basculement tectonique » : on devient un autre, libre peut-être, mais transformé. Son livre reflète un tiraillement entre enracinement et ouverture au monde, entre fidélité à un territoire et désir d’émancipation. La discussion avec le public a prolongé la richesse des échanges : écrire, est-ce une forme de réparation ? Quelle relation avec leurs propres enfants ? Selon Rachid Benzine: « être parent, c’est renoncer à la puissance ». Tous trois évoquent les marques laissées par leurs pères : le goût de Mozart ou du saucisson pour Monsieur Beigbeder, le respect et la retenue pour Monsieur Bas, le combat contre l’injustice pour Monsieur Benzine. Et tous partagent cette découverte posthume : l’accès aux « archives d’une vie » qui éclaire, parfois trop tard, des pans entiers de leur histoire familiale.

 

À travers leurs récits singuliers, les trois auteurs ont esquissé une cartographie sensible de la paternité : une thématique intime, mais profondément universelle. Qu’il soit source de silence, d’inspiration ou de blessures, le père devient ici un sujet d’exploration littéraire et existentielle. Une rencontre marquante, qui rappelle que derrière chaque histoire individuelle se dessine une part de notre mémoire collective.

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