L’Ère du Soupçon : quelle place pour l’objectivité dans un monde virtualisé ?
Géraldine MUHLMANN
Dans son dernier ouvrage, “Pour les faits” (Les Belles Lettres, 2023), la philosophe Géraldine Muhlmann questionne la notion en péril de factualité, essentielle à la préservation du commun et au débat public.
Géraldine Muhlmann, née le 12 janvier 1972 à Strasbourg, est une philosophe, politologue, journaliste et animatrice de radio française. Lauréate du concours général en philosophie en 1989, Géraldine Muhlmann quitte le lycée Jean-Sturm de Strasbourg pour la khâgne du Lycée Henri-IV à Paris avant d’entrer à l’École normale supérieure de Paris en 1992. Agrégée de philosophie en 1994, elle obtient en 1995 un diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris. En 1996, elle obtient un diplôme de journalisme à l’université de New York.
Dans ses recherches et ses travaux, Géraldine Muhlmann s’intéresse à la place et au rôle du journalisme en démocratie, ainsi qu’à l’évolution de la philosophie politique au tournant du XXIème siècle. Depuis 2022, elle anime l’émission “Avec Philosophie” sur France Culture.
La “matière factuelle” : une question d’interprétation ?
L’irruption de Donald Trump, et la vague de faits alternatifs qui a entouré son élection à la Maison Blanche, a démontré la fragilité de la “matière factuelle” (Hannah Arendt). Pour Géraldine Muhlmann, les journalistes et les individus sont confrontés à une crise du commun inédite dans l’histoire. Or, ce commun est essentiel au débat public et à la disputatio (le débat contradictoire) : “Sans commun, il ne peut y avoir de conflit”. Aujourd’hui, le journalisme se réduit bien souvent à des commentaires de commentaires : la “société de conversation” dans laquelle nous vivons délaisse, irrémédiablement, les faits au profit de l’interprétation et des opinions.
Pour les faits : retrouver du commun et de l’universel
Pour la normalienne, l’éthique et la question des sources doit constituer la colonne vertébrale du travail du journalisme. La prolifération des fake news, particulièrement visible après les attaques du 7 octobre en Israël, doit nous alerter et nous responsabiliser. La bourde de Joe Biden, survenue peu après les attentats, est bien la preuve que, même chez les élites, cette attention à la matière factuelle a cédé le pas à l’émotion et l’interprétation. Comme l’a souligné un participant, il faut absolument nous réconcilier avec les faits, quitte à en accepter la dureté et former les jeunes au traitement de l’information.
Pour aller plus loin …
Geraldine MUHLMANN
Pour les faits
(Les Belles Lettres, 2023)
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Geraldine Muhlmann