Gouverner à travers les crises :

le récit de vingt mois à Matignon

 

 

Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, L’Institut Aspen France a organisé un déjeuner avec Agnès Pannier Runacher, dans le cadre d’une série d’événements visant à féminiser les débats et à mettre en avant la voix de femmes expertes. Cette rencontre a permis d’aborder des sujets majeurs comme l’égalité femmes-hommes, la transition écologique et les défis géopolitiques actuels.

Agnès Pannier-Runacher a une formation de haut fonctionnaire, elle est diplômée de l’ENA en 2000 (promotion Averroès) et entame sa carrière dans le secteur public comme inspectrice des finances au ministère des Finances. Trois ans plus tard, elle devient directrice de cabinet de la Directrice générale de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Puis en 2006, elle est nommée directrice adjointe des Finances et de la stratégie du groupe Caisse des dépôts jusqu’en 2008. La même année, elle participe à la création du Fonds stratégique d’investissement avant d’intégrer son comité exécutif. En 2011, elle choisit de rejoindre le secteur privé, d’abord en tant que directrice de division R&D pour l’équipementier automobile Faurecia Interior Systems entre puis elle est nommée directrice générale déléguée à la Compagnie des Alpes en 2013. En octobre 2018, après avoir soutenu le président Emmanuel Macron, Agnès Pannier-Runacher rejoint le ministère des Finances au poste de secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Le 6 juillet 2020, elle est nommée ministre déléguée chargée de l’Industrie dans le gouvernement de Jean Castex. Le 20 mai 2022, elle est nommée ministre de la Transition énergétique dans le gouvernement d’Elisabeth Borne. Le 8 février 2024, elle devient ministre déléguée à l’Agriculture dans le gouvernement de Gabriel Attal, puis reprend le portefeuille de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques le 21 septembre 2024 dans le gouvernement de Michel Barnier.

Dépense écologique et rôle international : un investissement pour l’avenir

La transition écologique ne doit pas être perçue comme une contrainte financière, mais comme un investissement stratégique pour l’avenir. « Ne pas investir aujourd’hui, c’est affaiblir demain notre modèle économique. » Agnès Pannier-Runacher a souligné l’importance d’un engagement budgétaire renforcé, avec une augmentation de 260 millions d’euros pour le fonds vert et 1 milliard d’euros alloués aux agences de l’eau dans le budget 2025. Cette dynamique vise à anticiper les coûts croissants des catastrophes climatiques et à garantir l’indépendance énergétique et industrielle de la France. Un cadre de financement pluriannuel est indispensable pour assurer l’efficacité et l’adhésion de tous à cette transition.

En outre, il est impératif de changer de narratif sur la transition écologique afin de répondre aux enjeux de souveraineté et d’indépendance qu’elle représente mais aussi en la rendant plus populaire en abordant davantage ses conséquences sur le quotidien. La ministre a aussi appelé à une mobilisation générale de toute la nation pour faire avancer la transition, sur le terrain, dans la société civile et l’ensemble des secteurs concernés afin de résister à la pensée réactionnaire sur la transition écologique.

Sur la scène internationale, la France joue un rôle moteur dans les négociations climatiques. En s’alliant avec l’Europe, elle défend une vision ambitieuse lors des Conférences des Parties (COP), notamment face aux reculs provoqués par la montée de la trumpisation des esprits et les réactions conservatrices contre le progressisme écologique. Malgré les blocages, la France et l’Union européenne continuent de peser dans les débats pour imposer des engagements contraignants en faveur du climat et de la biodiversité.

Transition écologique à l’échelle locale : une mobilisation essentielle pour la souveraineté économique et environnementale 

Les collectivités locales occupent une place centrale dans la mise en œuvre de la transition écologique. La Ministre a mis en avant l’engagement croissant des territoires, illustré par des projets concrets tels que la désimperméabilisation des sols, l’assainissement des eaux et la renaturation des espaces urbains. L’enjeu dépasse la simple acceptabilité sociale : il s’agit de rendre cette transition désirable en valorisant ses bénéfices tangibles sur la santé publique, la qualité de vie et la souveraineté énergétique. Face aux grandes puissances économiques mondiales, la France doit se positionner stratégiquement pour éviter toute dépendance excessive. « Prendre la transition pour ce qu’elle est : un outil de guerre économique, de puissance et de souveraineté.« 

La transition écologique est un levier de création d’emplois. Le secteur de la forêt, par exemple, emploie aujourd’hui plus de personnes que l’industrie automobile. Cette dynamique illustre la nécessité d’accompagner la transformation des métiers vers des filières durables et stratégiques. Investir dans la transition, c’est aussi garantir l’avenir de milliers de travailleurs et éviter un choc économique dû à un retard d’adaptation.

La souveraineté économique et environnementale de la France est directement liée à sa capacité à maîtriser sa dépendance aux ressources naturelles. Actuellement, l’économie française est dépendante à plus de 99,7 % des ressources métalliques et à 90 % des énergies fossiles. Cette dépendance représente un risque stratégique, notamment face aux politiques prédatrices de certaines grandes puissances. Il est donc crucial de repenser notre modèle industriel en favorisant l’économie circulaire, la relocalisation de certaines productions et la diversification des sources d’approvisionnement pour garantir notre autonomie et notre résilience face aux crises à venir.

 

Les femmes et l’universalisme : un combat pour l’égalité

Pour finir, la Ministre a mis le point sur l’égalité femmes-hommes qui reste un défi majeur. Agnès Pannier-Runacher a rappelé que moins de 10 % des élèves au lycée technologique sont des filles et que les femmes ne représentent que 30 % des ingénieurs. Malgré les avancées en matière d’égalité salariale, de congé paternité et d’accès aux postes à responsabilité, des freins structurels subsistent. Elle a mis en garde contre la division du mouvement féministe et a défendu une approche universaliste, où l’égalité ne se réduit pas à des catégories identitaires, mais s’affirme comme un principe républicain fondamental.

« Le pacte républicain qui nous lie nous définit par ce que l’on porte, pas ce que l’on est. » La promotion des femmes dans les sphères décisionnelles demeure un levier essentiel pour construire une société plus équitable et inclusive.