Jacques ASCHENBROICH

Au cours d’un échange particulièrement enrichissant modéré par Guillaume Pfister, Jacques Aschenbroich, Président du Conseil d’administration d’Orange, a partagé avec les membres d’Aspen les influences littéraires et intellectuelles qui ont marqué sa vie et nourri sa réflexion. Cette séance « Des femmes et des hommes qui lisent » a offert un éclairage précieux sur son parcours et sa vision du monde. L’Institut Aspen France a été honoré de l’accueillir pour ce moment à la fois profond et inspirant.

Ingénieur au Corps des Mines, Jacques Aschenbroich a exercé plusieurs fonctions dans l’administration et a été au cabinet du Premier Ministre en 1987 et 1988.   Il a ensuite mené une carrière industrielle au sein du groupe Saint-Gobain de 1988 jusqu’en 2008 : après avoir dirigé les filiales au Brésil et en Allemagne, il a pris la direction de la Branche Vitrage de la Compagnie de Saint-Gobain et la présidence de Saint-Gobain Vitrage en 1996. Puis, aux fonctions de Directeur Général Adjoint de la Compagnie de Saint-Gobain entre 2001 et 2008, il a en particulier dirigé les pôles Vitrage et Matériaux haute performance à partir de janvier 2007, et les opérations du groupe aux Etats-Unis  en tant que Directeur de Saint-Gobain Corporation et Délégué Général pour les Etats-Unis et le Canada à partir de septembre la même année.  Administrateur et Directeur Général depuis Mars 2009, Jacques Aschenbroich a été Président-Directeur Général du Groupe Valeo de février 2016 à janvier 2022, puis Président du Conseil d’Administration de Janvier à Décembre 2022.   Depuis mai 2022, il est Président du Conseil d’Administration d’Orange.  Il est également Administrateur et Président du Comité de Gouvernance de BNP Paribas, Administrateur Référent de TotalEnergies , Président de la French-American Foundation. Il a été Président de l’Ecole nationale supérieure Mines ParisTech jusqu’à fin 2023 et co-Président du Club d’Affaires Franco-Japonais jusqu’à fin 2024.

« L’étude des textes est au coeur de la méthode d’Aspen », rappelait Anne-Gabrielle Heilbronner en introduction. Pour la présidente d’Aspen France, la lecture et la référence aux textes structurent notre manière de penser, d’échanger, de trouver des repères et aussi des idées nouvelles dans un monde en mutation. C’est dans cet esprit que Aspen a eu le plaisir de recevoir Jacques Aschenbroich, Président du Conseil d’administration d’Orange. Faire dialoguer un ingénieur avec les grandes oeuvres littéraires et philosophiques pouvait sembler inattendu, et pourtant, cette rencontre a révélé la profondeur d’un homme à la fois rationnel et profondément humaniste.

Jacques Aschenbroich assume une personnalité multiple, « rationnel et très irrationnel », dit-il. Ses nombreux voyages et expériences professionnelles à l’étranger, en Chine, aux États-Unis, au Brésil ou au Japon, l’ont conduit à développer une curiosité profonde pour les cultures et leurs expressions littéraires. Il lit en portugais, en allemand, a parcouru tout Tolstoï, Yasmina Khadra, et s’est enthousiasmé pour Le Dictionnaire amoureux du Japon de Richard Collasse. Certaines oeuvres, en revanche, lui ont résisté : Proust, Céline, Marx, la Bible. L’échange avec les cultures étrangères, notamment au sein de l’entreprise, nourrit sa conviction que l’on peut créer du lien au-delà des différences.

Jacques Aschenbroich lit pour comprendre. Histoire, biographies, ses lectures l’aident à décrypter la complexité du monde, à mettre en perspective l’action et la décision. Il relit plus qu’il ne classe ses livres sur Babelio, citant par exemple Les Justes de Camus ou L’Engrenage de Jérôme Kerviel comme des textes marquants.

Lire, c’est entrer en dialogue avec ceux qui ont osé dire non, avec des figures historiques, des idées, des refus. Il affirme : “ Il est plus facile de faire des maths que de lire “, mais ne voit aucune contradiction entre son métier d’ingénieur et son intérêt pour les livres : il y voit au contraire une interaction entre l’écrit et l’oral, entre la rigueur scientifique et la richesse des idées.

La discussion s’est élargie aux grands enjeux contemporains, notamment celui des réseaux sociaux. Jacques Aschenbroich cite Stefan Zweig : « Le seul moyen de comprendre le monde, c’est le livre. » Il observe que nous sommes passés d’un monde centré sur le texte à un univers dominé par l’instantané, l’algorithme et la vitesse. Les réseaux sociaux, dit-il, sont à la fois un risque (populisme, simplification) et un outil, à condition de les domestiquer. La lecture offre, selon lui, un accès au temps long, à la nuance, à la pensée profonde. Et l’écriture ? « C’est une façon de fixer la pensée. »