Comment financer le renforcement de la défense nationale et européenne ?

Petit-Déjeuner Géo-économie animé par Christine Ockrent avec Louis Gautier
L’institut Aspen France, en collaboration avec Alix Partners, a accueilli Louis Gautier le 5 mars pour une discussion autour du financement et du renforcement de la défense nationale et européenne. L’Ancien procureur près la Cour des Comptes a partagé son expérience et ses réflexions sur ces grands enjeux autour d’une trentaine de participants.
Louis GAUTIER –
Né le 26 septembre 1956, Louis Gautier est un haut fonctionnaire français et universitaire, spécialiste des questions internationales, stratégiques et de défense. Diplômé de l’Institut d’Études politiques de Paris (1978), il est titulaire d’une licence de Lettres (1978) et d’un DEA de philosophie de l’Université Sorbonne Paris IV (1985). Docteur en sciences politiques de l’Université Panthéon-Sorbonne Paris I (1998), il est professeur habilité à diriger les recherches (HDR Panthéon Sorbonne Paris 1) depuis 2003. Ancien élève de l’École nationale d’administration, il rejoint à sa sortie en 1983 la Cour des comptes, en qualité d’auditeur. Il a dirigé le Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale de 2014 à 2018. Chargé ensuite par le Président de la République, d’une mission sur la relance de la défense européenne, il lui a remis en mars 2019 son rapport intitulé « Défendre notre Europe. Vers une Union de la sécurité et de la défense ». Il a ensuite occupé successivement les fonctions de Président de la 3e chambre à la Cour des comptes de 2020 à 2022 puis de Procureur général près la Cour des Comptes. Il est également le directeur de la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris I, préside le conseil d’administration de l’École nationale des chartes depuis 2013 et le conseil d’orientation de l’Agence nationale des recherches sur le Sida et les Hépatites virales (ANRS) depuis 2014.
Un “réveil européen” ?
Louis Gautier a ouvert son intervention en mentionnant le terme « réveil européen », soulignant l’importance historique des récentes déclarations sur le financement de la défense. Il a expliqué que les Européens cherchent à organiser et structurer leurs efforts, autour de différentes initiatives telles que le Livre Blanc. Il a également évoqué plusieurs actions :

- Le plan d’Ursula von der Leyen de 800 milliards d’euros, incluant des fonds communautaires et des leviers financiers
- L’engagement de 100 milliards d’euros du chancelier Merz, soit une augmentation de 25 milliards par rapport à l’année précédente
Monsieur Gautier a souligné que la crédibilité de ces annonces dépendra de la capacité à rationaliser les moyens et à assurer un financement structuré, tout en équilibrant les dépenses de défense et la réduction du déficit public.
Enjeux géopolitiques et industriels de la défense nationale et européenne
Louis Gautier a également abordé les enjeux géopolitiques liés à la guerre en Ukraine, ainsi que les défis internes à l’Europe pour assurer une défense unifiée.
L’Ukraine et la sécurité européenne
La situation en Ukraine reste centrale pour la sécurité européenne, surtout si le soutien américain venait à se réduire. Monsieur Gautier a évoqué l’erreur européenne de croire que la guerre en Ukraine ramènerait les États-Unis dans le jeu. Cela remet en cause la « solidarité transatlantique », notamment sous l’ère Trump, qui pourrait, selon lui, offrir une victoire à Poutine sur un plateau.
Une défense européenne fragmentée
Les clivages géopolitiques, idéologiques et industriels au sein de l’Europe sont des obstacles à une véritable défense intégrée. Bien que des progrès aient été réalisés, avec un doublement des budgets de défense des 27 pays en dix ans, Louis Gautier souligne la nécessité d’une véritable intégration de l’industrie de défense européenne pour éviter la dispersion des efforts.

Louis Gautier conclut en posant une question fondamentale : devons-nous renforcer notre marché intérieur de la défense, avec ou sans les États-Unis, ou maintenir un modèle de marché protégé uniquement européen ? La réponse à cette question pourrait déterminer l’avenir de la défense européenne et sa capacité à se projeter sur la scène mondiale.